Si certains apprécient le Mondial 2018 pour son aspect festif et sportif, d’autres y verront par contre une excellente occasion d’en tirer une sorte de profit. Cette année, en étant accueillie par la Russie, la compétition va revêtir une signification géopolitique vraiment particulière attendue depuis bien longtemps par le pays qui profitera d’avantages pour sa politique internationale de 2018.
Les géopoliticiens sont en place
À présent que les 32 participants de la prochaine Coupe du monde de football sont enfin connus officiellement, toute la classe géopolitique en Russie commence à se frotter les mains en voyant ici les opportunités que vont leur offrir les compétitions sportives internationales hautement médiatisées du Mondial 2018. Pour la Russie, la Coupe du Monde de football 2018 aura forcément un impact culturel, sportif, mais surtout économique et diplomatique. Depuis tous temps, les événements sportifs mondiaux de football ont toujours été un moment fort dans la dramaturgie des relations internationales et le Mondial 2018 ne dérogera pas à la règle en exposant ici une signification géopolitique particulière et vraiment forte : son lieu et sa date. Tous les regards seront tournés vers la Russie du 14 juin au 15 juillet 2018, et de nombreux observateurs plutôt attentifs, et de fans de foots exigeants, peuvent déjà identifier certains enjeux sans même forcément s’intéresser au monde du business et de la politique.
Éviter les erreurs de 2014
Si le stade de Sotchi figure parmi la liste des stades qui accueilleront certains matches de la Coupe du Monde 2018, la ville ne laisse pas vraiment de bons souvenirs dans la mémoire des spécialistes et des fans de sports. En effet, la Russie va tout faire pour éviter de recevoir à nouveau les nombreux tacles qu’elle a reçus lors de l’organisation des Jeux Olympiques de Sotchi 2014 qui n’ont pas vraiment fait du bien au pays. Pour elle, il devient donc prioritaire d’éviter les contre-performances des JO de l’hiver 2014. On se souvient que la Russie, pays hôte de l’événement n’avait pas vraiment brillé à l’époque pour son organisation qui s’était soldée par un bilan d’image en demi-teinte au travers d’un classement des médailles où la Russie avait obtenu la première place avec 13 médailles d’or. Mais on se souvient également des troubles qui se sont déclenchés lors de cette compétition contre le pays qui avait alors subi des tirs de barrage avec l’annexion de la Crimée, mais aussi des sales affaires de dopage organisés. De très gros coups médiatiques qui ont alors obligé les Européens et des Américains à prodiguer des sanctions économiques et une annulation du G8 prévu en mars à Sotchi.
L’Union Européenne
2018 sera une année décisive pour les engagements des pays et surtout des Européens qui auront encore une fois la responsabilité de choisir leur style de jeu diplomatique pour le Mondial 2018 et face à la Russie. On retrouve en effet une grande partie des équipes des principaux rivaux et des partenaires de la Russie qui sont qualifiés comme l’Allemagne, l’Espagne, la France et surtout Pologne. On se sait pas encore quelle stratégie vont adopter les responsables de certains pays, qui avaient par exemple opté en 2014 pour un boycotte de la compétition, où l’on a pu voir à l’époque un président Hollande et la chancelière Merkel décliner l’invitation aux JO de Sotchi. Le choix leur sera proposé de continuer dans cette voie ou d’essayer d’opter pour une conciliation en assistant à certains des matchs. Les enjeux sont encore importants, car en arrière-plan de la compétition, se joueront également la solidarité de l’UE avec l’Ukraine et les Etats baltes qui ne sont pas qualifiés pour la compétition. Pour les Européens, l’image sera importante, car s’ils se rendent au Mondial 2018 en ordre dispersé, alors cela donnera l’image d’une association affaiblie de l’esprit d’équipe de l’UE.
Attirer les investisseurs vers l’équipe Russie
Économiquement, la Russie va devoir jouer finement et il lui sera donc essentiel et impératif de maîtriser les coûts d’organisation sur le plan financier afin de ne pas aggraver sa situation économique déjà bien préoccupante. Son PIB s’est effectivement contracté de 3% depuis 2014 et le taux de pauvreté n’a fait que grimper depuis. Sans compter que le pays se voit bridé par des finances publiques qui sont mises à l’épreuve par des sanctions occidentales.
Les JO de Sotchi ont été un avertissement
La Russie s’est un peu cassé les dents en 2014 avec un budget record de 36 milliards d’euros qui n’avait pas pu occulter les nombreux dérapages de coûts et les scandales de malversations. Résultats : le pays avait en fin de compte généré trop peu de retombées économiques. Afin de montrer des signes de réalisme économique, la Russie a finalement réduit le nombre de stades accueillant la compétition de 16 à une douzaine, privilégiant les stades de la compétition en Russie européenne, afin de faciliter les déplacements des touristes occidentaux et de tenter de réussir une sorte d’opération de marketing international. Mais on a pu constater que, malgré ces gestes et ces concessions, l’équipe de foot de Russie peine toujours à attirer les investisseurs internationaux. Et elle en a cruellement besoin comme en atteste récemment sa recherche de financements saoudiens.
Des enjeux politiques pour Poutine
La Coupe du Monde 2018 qui aura donc lieu en Russie, se déroulera quelques mois à peine après l’élection présidentielle russe prévue les 18 mars et 8 avril 2018. La compétition se déroulera donc au moment où le président Poutine entamera très certainement son quatrième mandat suite à des résultats électoraux qui semblent déjà aujourd’hui assurés. Mais on retrouve ici un Mondial dont la réussite sera forcément déterminante pour le statut du 4e mandat de Poutine. Il est indéniable qu’un succès d’image sous l’œil des médias internationaux, dans une ville de Moscou complètement modernisée qui a su organiser sans faille cet événement mondial, renforcera forcément encore plus l’influence internationale du président russe.
